"Tout est en nous."

Une pochette moitié grimaces, moitié sourires. Je récupère quelques clichés pris cet été par une amie qui fait de la photo pro, reflète et révèle sur papier glacé. Des photos du sud du Sud où je me suis esquivée de cette capitale qui m’était devenue plus étouffante que la côte d’Azur sous canicule avec un flot de complices. Filé en TGV des quatre coins du pays, décampé en douce pour se retrouver en pleine nuit dans cet oubli collectif programmé de nos contingences désastreuses. Pour ces errances qui ont toujours compté. On se tue à fuir sa propre peau à longueur d’années en comptant les uns sur les autres pour nous récupérer au tournant. À la petite cuillère. Quand la vie nous coupe la parole. Des instants passés à s’arracher entre chers de nos paysages respectifs, tous bien plus décoratifs les uns pour les autres que nos existences. Notre plan B ad vitam æternam.

L’enthousiasme naît dans le temps qu’on assassine.

Reflètent et révèlent.
M qui hurle dans la nuit « après je me métamorphoserai vocalement en Amy Winehouse ».
I qui dégomme des scouts au pistolet à eau depuis le balcon.
L qui a éboulé le château de sable d’un petit garçon de dix ans de moins qu’elle pour cause de concurrence déloyale : « c’est pas juste, moi j’avais pas de seau pour faire les tours ».
B qui vole des Dragibus à l’étalage.
Et moi qui pleure parce que T a fait des tâches de confiture sur ma robe.

Voler des jours pour passer des heures à regarder la mer monter et le soleil tomber.

Je crois qu’il faut sentir glisser les pages entre ses doigts pour estimer l’avenir. Je crois qu’il faut attraper les feuilles qui tombent et les nervurer de nos mots quitte à les noircir. Suer de l’encre en plein hiver. Je crois que toutes les pages se tournent mais qu’il faut leur donner le mirage du sens. Que la page reste blanche aux pusillanimes. Le point même a une fin.
(Je crois à l’encre et au papier, je suis actionnaire de Xerox.)

On doit tenter les ricochés dans la mer.
La mer n’existe pas.
« Tout est en nous. »